Interview d’Aurélie Filippetti (Dépêche du Midi, 14 mai 2014)

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Publication publiée :28 mai 2014
  • Post category:Contributions
  • Commentaires de la publication :0 commentaire

 »Interview d’Aurélie Filippetti, Ministre de la culture et de la communication, pour la Dépêche du Midi le 14 mai 2014 »

– Connaissez-vous le Forom des Langues de Toulouse ? Qu’est-ce que cela vous inspire ?
En vingt-deux années d’existence, le Forom s’est forgé une notoriété qui le voit essaimer partout en France, en Europe et jusqu’à Madagascar. La manifestation s’est inscrite au fil du temps en bonne place parmi les rendez-vous importants de la diversité culturelle. Cela tient à la valeur de l’idée même de forum, magnifiquement adaptée aux conditions d’aujourd’hui. En ouvrant la place du Capitole à toutes les langues parlées dans la ville, c’est un espace d’expression démocratique que nous offre chaque année le Carrefour culturel Arnaud-Bernard. En témoigne le sujet retenu cette année : la langue et la culture françaises, notre langue et notre culture communes. Quelle place font-elles à la diversité ? C’est un débat récurrent dans les médias et sur les réseaux sociaux, mais quelle belle occasion de l’aborder de vive voix, en présence de spécialistes comme Alain Rey, sur la place publique !


– Quelle est la place, justement, que les langues régionales peuvent prendre dans la culture française ? Que pensez-vous de la proposition de cette éducation minimum de tous les français à toutes les langues « régionales » de France que le Carrefour Culturel Arnaud-Bernard ?Valoriser les langues régionales, c’est libérer la parole, et démultiplier les messages de notre pays dans tous les champs de la culture. Opposer le français et les langues de France est une démarche obsolète : la France est riche de sa diversité et de son patrimoine linguistique au contraire, l’un des plus riches d’Europe. Depuis toujours, les langues régionales ont nourri le français, qui en a tiré une bonne part de son dynamisme. Offrir à tous les jeunes Français une initiation à la pluralité des langues m’apparaît comme une nécessité élémentaire d’éducation. La loi sur la refondation de l’école de la République donne d’ailleurs un point d’appui à cette initiative, en précisant que les professeurs peuvent recourir aux langues régionales dès lors qu’ils en tireront profit pour leur enseignement, et que l’exposition précoce à une langue vivante est un facteur de progrès en matière d’apprentissage. A titre personnel, je pense que tous les enfants ont le droit de savoir qu’à aucun moment de notre histoire, on n’a parlé une seule langue dans notre pays. Jaurès, dans un article de La Dépêche en 1911, montrait tout l’intérêt qu’il y aurait à ne pas ignorer le languedocien pour la culture du peuple.

– Où en est le processus de ratification de la charte européenne ?
La ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, signée par la France en 1999, est un engagement du Président de la République. Vous savez qu’elle pose une difficulté constitutionnelle, dans la mesure où certaines de ses dispositions peuvent être interprétées comme contraires aux principes fondamentaux de la République énoncés dans les articles 1 et 2 de la Constitution : égalité des citoyens devant la loi, unicité du peuple français, officialité du français. Afin de vérifier qu’une majorité parlementaire pouvait cependant se dégager sur la ratification, le gouvernement a ouvert le débat au Parlement. Le texte qui a été adopté à une très large majorité par l’Assemblée nationale le 28 janvier dernier prend soin de dissiper toute ambiguïté sur le respect de nos principes constitutionnels fondamentaux. Ce vote a constitué une étape importante : pour la première fois, les élus de la République ont pu exprimer dans l’hémicycle l’apport des langues régionales à notre richesse et diversité culturelles. Le travail doit se poursuivre.

Laisser un commentaire